Aujourd’hui, si vous voulez « vous aventurez à Cancun”, vous devrez avant tout certifier par écris que nous ne présentez aucun symptôme lié au COVID19. Ensuite vous devez obligatoirement renseigner vos coordonnées sur une plateforme dédiée au COVID de l’Aviation Civile Mexicaine. Comme ça, vous serez prévenu en cas de présence du virus sur votre vol. En arrivant à l’aéroport, une foule d’hommes en blanc est là pour prendre votre température. Une première image saisissante pour cette destination pourtant si fréquentée du continent américain. Vous l’aurez compris les autorités mexicaines entendent appliquer à la lettre les nouveaux protocoles sanitaires. C’est la première pierre du plan global 2020 de relance touristique de la “Riviera Maya”.
Alors, un plan de relance touristique ne fait-il pas tâche dans ce paysage ? Faut-il vraiment sacrifier la santé de toute une population au profit de la relance économique ? En bon Européen, avec notre chômage partiel et les quelques économies que nous avons sur nos comptes, il est facile de répondre catégoriquement que « non ». Mais est-ce une position tenable ou même défendable ?
La question a de quoi choquer, c’est pourquoi un recadrage culturel et social est nécessaire afin de comprendre s’il s’agit vraiment d’un débat.
Rappelons qu’aujourd’hui nous sommes le 20 juillet 2020 et que le Mexique vient de dépasser la France en termes de nombre de morts lié au COVID 19. Le pays se trouve toujours sur sa courbe croissante et s’enfonce inexorablement chaque jour un peu plus dans la crise sanitaire. Le Mexique, c’est aussi un système public de santé déjà très fragile à la base et un système privé qui n’est accessible qu’a un petit nombre. Pour finir, rappelons que le Mexique ne possède pas la capacité de confiner ses populations. Mais pourquoi ?
D’abord, la plupart des travailleurs reçoivent leur salaire à la fin de la journée. Ensuite, il n’existe ni chômage ni indemnisation. Enfin culturellement, économiser est un vrai dilemme de plus que souvent les salaires ne le permettent pas. Rappelons que le SMIC au Mexique est de 123.2 pesos, soit 4.78 euros … par jour ! Alors oui, c’est vrai que le panier moyen au supermarché est environs 2 fois moins cher qu’en France mais tout de même : imaginez-vous faire vos courses en France avec un salaire de 10 euros par jour. En sortant, comment feriez-vous pour remplir votre tirelire ? Alors comment fait-on pour interdire à un père de famille d’aller travailler ? C’est tout simplement inimaginable. La réponse est simple et sans débat : on ne peut pas confiner.
À Cancun et à fortiori dans tout l’état du Quintana Roo, l’écrasante majorité de la population vit du tourisme. A vrai dire, aucune autre industrie n’y est réellement implantée. Dans les années 1970, le Mexique a mis « tous ses œufs dans le même panier » construisant de toute pièce ces mégastructures destinées à accueillir les touristes nord-américains.
Aujourd’hui que les chiffres du tourisme sont effroyablement mauvais, et c’est toute la région qui serait à mettre sous perfusion. Alors fermer les aéroports ou interdire l’accès aux plages serait un coup de grâce cataclysmique. Le gouverneur du Quintana Roo a même affirmé à juste titre : “les gens ont plus peur des conséquences économiques que du COVID19”. Aujourd’hui c’est une réalité, malgré les apparences les régions ayant parié sur le tourisme de masse sont très vulnérables. Par contre, ne vous inquiétez surtout pas pour les propriétaires, quand ils sont mexicains, ils ne vivent pas sur place.
Nous entendons de plus en plus de la part de nos concitoyens qu’il faut voyager « à côté de chez nous », « seulement en France », ou même pour les plus extrêmes d’entre eux qu’il ne faut plus voyager du tout. Effectivement, ce serait l’idéal pour notre planète. Mais imaginez-vous seulement les conséquences sociales à moyen terme (nous ne parlerons même pas des conséquences économiques de ne plus recevoir de visiteurs). Le voyage est à la fois un antistress, un vecteur de culture, d’éducation, et un formidable outil de tolérance. De plus, c’est le seul point de rencontre entre les peuples. Un monde qui ne voyage pas est un monde qui ne trouvera pas la paix. Ne plus voyager serait certes la meilleure solution pour notre planète mais les conséquences sociales seraient dévastatrices pour le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui.
Le point commun entre tourisme de luxe et tourisme responsable est le petit nombre d’individu. Aller en petit nombre là où la majorité ne va pas. Pour le luxe c’est par soucis de confort, dans l’éco-tourisme c’est par conviction. Les destinations accueillant un petit nombre de voyageurs sont obligées de diversifier leurs économies et cela les rend plus robustes. Imaginez un petit village où toute la population travaille pour le même hôtel accueillant 1000 touristes par jour. Catastrophe si un jour cet hôtel ferme ses portes ! Imaginez alors ce même petit village mais l’hôtel est plus petit et n’emploie que 5 personnes car il ne reçoit plus que 20 touristes par jour. Malheureusement, tout le monde ne pourrait pas y travailler mais si l’hôtel venait à fermer, les maraichers, les ouvriers, ou le docteur du village pourraient momentanément subvenir à la crise que traverseraient nos 5 hôteliers.
Le Mexique étant un vaste territoire, une chose est sure : sa capacité d’accueil est énorme. De plus, ses attraits touristiques sont tout simplement innombrables. Alors pourquoi se ruer tous ensemble sur Chichen Itza alors qu’il existe plus de 200 sites archéologiques dont la majorité hébergent des pyramides ? Il existe beaucoup de destinations toutes aussi passionnantes les unes que les autres. La plupart manquent de visiteurs alors ça fait plus de 30 ans que le Quintana Roo est saturé. La réponse est aussi simple qu’évidente : voyagez en petits groupes, osez les destinations moins fréquentées, voyagez à contre-courant, et hébergez-vous dans le petit hôtel du village !
… vous ne le connaissez pas ? Nous si !